GT1 – Théorie : outils théoriques pour le métamatériaux

Le premier groupe de travail concerne la conception d’outils interdisciplinaires de « modélisation statique et dynamique » des métamatériaux architecturés. L’objectif principal est de répondre aux exigences de modélisation requises par les deux communautés. L’accent sera mis sur l’établissement d’un langage commun permettant un échange de connaissances et une « perméabilité » entre les deux communautés 

Théorie des groupes. Les métamatériaux sont définis souvent à partir d’une « cellule élémentaire » qui se répète dans l’espace, engendrant une structure périodique. Dans ce cas, la géométrie de la cellule élémentaire (groupe ponctuel) ainsi que la manière dont celle-ci pave l’espace (groupe d’espace) jouent un rôle essentiel quant aux propriétés effectives du métamatériau. Dans ce contexte, la prise en compte de leurs symétries est déterminante pour la prédiction du comportement résultant (courbes et surfaces de dispersion, vitesse de phase et de groupe, etc.). Aller au-delà de simples observations de symétries spatiales et considérer des transformations plus générales peut s’avérer essentiel pour concevoir des métamatériaux architecturés. Dans le but de développer une approche de conception systématique de métamatériaux architecturés, les outils de la théorie des groupes sont incontournables. Ils permettraient d’optimiser l’agencement local de la matière et résoudre des problématiques telles que le guidage des ondes, le contrôle de la stabilité, ou la conception de métamatériaux élastiquement isotropes possédant une méso-structure anisotrope (imposée, par exemple, par des contraintes de fabrication ou par des nécessités de conception). Cette approche peut être aussi étendue aux matériaux quasi-périodiques et apériodiques, qui peuvent être vus comme une généralisation des structures périodiques pour lesquelles l'invariance rotationnelle n'est plus compatible avec l'invariance par translation (pavages de Penrose et d'Ammann-Beenker, par exemple).

Bloch-Floquet (ondes et stabilité). Dans le cadre de l’étude de la propagation d’ondes élastiques dans les milieux périodiques, le théorème de Bloch est devenu un outil incontournable permettant de calculer les relations de dispersion complètes à partir de l’analyse d’une seule cellule élémentaire [GAZ]. Cela permet de prévoir le comportement dispersif du métamatériau, ainsi que de calculer les fréquences sur lesquelles s’étalonnent les bandes interdites [BAC]. L’étude de la polarisation (modes propres) permet d’étudier les couplages entre ces modes et de caractériser les échanges d’énergie parmi les différents modes de propagation. L’utilisation du théorème de Bloch n’est pas limitée aux ondes. Dans le cadre des métamatériaux architecturés, pour pouvoir comprendre et tirer parti des instabilités mésoscopiques, ce théorème constitue un outil essential dans l’étude du comportement post-flambement [MUL, COM]. Le but est de déterminer les propriétés de stabilités du flambement ainsi que les modes de déformations préférentiels choisis par la structure après bifurcation. Cette analyse, qui repose sur l’utilisation de cinématiques non-linéaires, exactes en transformations finies, se base notamment sue la théorie des groupes couplée aux ondes de Bloch.

Homogénéisation multi-échelle et milieux continus généralisés. Les méthodes d’homogénéisation permettent de déterminer le comportement macroscopique effectif d’un matériau à partir de la connaissance de ses constituants à l’échelle microscopique [SAN, WIL1, MIL2].  La théorie mathématique associée est bien établie quand les hypothèses suivantes sont vérifiées : (i) les échelles macroscopique et microscopique sont séparées ; (ii) le contraste de propriétés entre les différentes phases constitutives de la microstructure est fini. Ces hypothèses qui définissent le cadre classique de l’homogénéisation en mécanique sont généralement non respectées dans les métamatériaux architecturés. Ces limitations concernent tant les aspects statiques que dynamiques des métamatériaux architecturés. L’utilisation et l’adaptation de ces méthodes pour des systèmes dynamiques rencontrent un intérêt croissant dans le cadre de l’étude des cristaux phononiques et des métamatériaux [AUR, ANT, PAR1, PAR2]. Cependant, les techniques d’homogénéisation classiques sont généralement limitées aux basses fréquences (séparation d’échelle), ainsi qu’à des problèmes où il s’agit de trouver le comportement effectif volumique du matériau. Cela implique que leur validité est, donc, généralement restreinte à des tailles de structure grandes devant la longueur d’onde caractéristique du problème et ignore les effets de bord. Pour des problèmes où la microstructure peut être localisée le long d’une interface ou pour des longueurs d’onde comparables à la taille de la microstructure, ces techniques doivent être revues et adaptées. Dans cette optique, des méthodes d’homogénéisation de surface ainsi qu’à fort contraste ont été développées afin de capter respectivement les effets de couche limite et de résonances internes liées à la microstructure [BAU, MAR, LOM]. Par ailleurs, des techniques d’homogénéisation hautes fréquences récemment proposées permettent d’étendre la validité des modèles au-delà de leur cadre habituel [BOU2, CRA, ASS]. Du point de vue numérique, il s’agit aussi de mettre en place des schémas adaptés aux comportements effectifs de ces matériaux (coefficients effectifs négatifs ou dépendant de la fréquence, conditions de saut généralisés) et garantissant la stabilité du système. Enfin, la plupart de ces méthodes sont encore limitées aux problèmes linéaires et l’extension de ces études à des régimes non-linéaires pose de grandes difficultés. Le milieu continu volumique classique en mécanique des solides est dit de « Cauchy », un milieu dont les dégrées de liberté sont, en chaque point du continuum, le déplacement de la particule associée, et dont l’énergie mécanique ne dépend que du premier gradient de la déformation. Ce cadre classique peut être étendu, soit par l’adjonction de degrés de liberté supplémentaires, comme dans la théorie de Cosserat, ou par la prise en compte de gradients supplémentaires dans le calcul de l’énergie mécanique (« milieux à gradient(s) »). Ces extensions sont des exemples de « milieux continus généralisés ». Ces modélisations enrichies permettent de décrire les matériaux exotiques dont le comportement élastique standard est très dégénéré, mais également en homogénéisation le comportement apparent de matériaux architecturés quand la séparation des échelles est incomplète. Dans ce dernier cas, les aspects « généralisés » décrivent les conséquences macroscopiques associées à la présence d’une architecture à l’échelle mésoscopiques.

Outils pour les non-linéarités. Lorsque les amplitudes en jeu (de vibration ou de déformation) sont suffisamment élevées, la réponse (ou les propriétés) du milieu d’intérêt deviennent non-linéaire. Alors la réponse du système d’intérêt dépend de l’amplitude de la sollicitation, et de nombreux effets non-linéaires peuvent apparaître : (i) la génération d’harmoniques, (ii) les résonances non linéaires, (iii) l’auto-démodulation, (iv) les solitons, etc. Les milieux les plus fortement non linéaires sont généralement ceux qui présentent des éléments localisés beaucoup plus souples que le reste du matériau : fissures dans un solide, bulles de gaz dans un fluide, contacts solides internes ou interfaces dans un solide par exemple. Pour une contrainte donnée appliquée, ces éléments souples concentrent les déformations fortes ou éventuellement résonnent, et se comportent donc de manière non-linéaire. On peut alors proposer d’essayer d’appliquer ce concept en acoustique en développant des résonateurs non linéaires fonctionnant sur de plus grandes gammes fréquentielles. L’objectif est bien évidemment de localiser l’énergie dans un endroit où elle peut ensuite être dissipée, par exemple où se trouvent des matériaux poreux.

Outils topologiques (SSH, Non-Hermitien, effet de symétrie, robustesse). La découverte des isolants topologiques en physique de la matière condensée a donné naissance à la possibilité de concevoir des matériaux dotés de propriétés étonnantes : le comportement aux bords, dicté uniquement par les propriétés dans le volume, ainsi que l'existence de modes de bord localisés, résistants aux imperfections et présentant une propagation immunisée contre la rétrodiffusion. Les premiers résultats prometteurs dans les systèmes électroniques ont été suivis par l'émergence de la photonique topologique [OZA] et maintenant de la phononique topologique [MAG]. En phononique, le défi consiste à transférer les propriétés inhabituelles des isolants topologiques dans le domaine des ondes classiques (ici les ondes mécaniques). Dans ce domaine de recherche très actif [FLE, YAN, SUS, MIN1, ZHE2] il parait important de pouvoir concevoir la microstructure la plus adaptée possible pour les ondes mécaniques présentant une protection topologique en vue d'une mise en œuvre simple dans les technologies émergentes. Pour atteindre cet objectif, une solution sera de suivre l'idée des réseaux phononiques topologiques inspirés par des géométries simples [ZHE2] comme le modèle de Su-Schrieffer-Heeger (SSH) ou d'autres isolants topologiques d'ordre supérieur proposés récemment [OZA] sur plusieurs niveaux d’échelles spatiales. De plus, la compréhension actuelle du rôle de la topologie dans les systèmes non hermitiens et ses conséquences physiques est un sujet émergent, en particulier, comment le concept de dégénérescences exceptionnelles, auquel les valeurs propres et les vecteurs propres fusionnent, conduit à des phénomènes radicalement distincts du domaine hermitien familier. Il est important de noter que ces concepts sont très peu connus de la communautés de la mécanique du solide.